Par Vilayanur S. Ramachandran et Lindsay M. Oberman
Scientific American, octobre 2006Les enfants avec autisme pourraient avoir du mal avec les interactions sociales parce que leurs systèmes de neurones miroirs ne fonctionnent pas convenablement.
Au premier regard, il se peut que vous ne remarquiez rien d'anormal en rencontrant un jeune garçon atteint d'autisme. Mais si vous essayez de lui parler, il deviendra rapidement évident que quelque chose va très mal. Il se peut qu'il ne vous regarde pas; au lieu de cela, il se peut qu'il évite de croiser votre regard et qu'il remue, se balance ou frappe sa tête contre les murs. Plus déconcertant encore, il peut être incapable de soutenir une conversation un tant soit peu normale. Même s'il peut ressentir des émotions comme la peur, la colère et le plaisir, il peut n'avoir aucune empathie pour les autres et négliger de subtils signes sociaux que la plupart des enfants n'auraient aucun mal à relever.
Dans les années 1940, deux médecins -- le psychiatre américain Leo Kanner et le pédiatre autrichien Hans Asperger – ont découvert indépendamment ce trouble du développement, qui affecte environ 0,5 pourcent des enfants américains. Aucun des deux chercheurs n'était au courant des recherches de l'autre et pourtant, par une coïncidence extraordinaire, ils ont donné le même nom à ce syndrome: autisme, du mot grec autos, qui signifie "soi-même." Le nom est approprié, du fait que la caractéristique la plus remarquable du trouble est un refus de l'interaction sociale. Plus récemment, les docteurs ont adopté le terme "trouble du spectre autistique" pour dire clairement que la maladie a de nombreuses variantes qui varient énormément en sévérité mais conservent des symptômes caractéristiques communs.
Depuis que l'autisme a été identifié, les chercheurs se sont battus pour déterminer ses causes. Les scientifiques savent que la sensibilité à l'autisme est génétiquement héritée, bien que les risques environnementaux semblent aussi jouer un rôle [voir "The Early Origins of Autism," par Patricia M. Rodier; Scientific American, février 2000]. Depuis la fin des années 1990, les chercheurs de notre laboratoire de l'université de Californie à San Diego, ont commencé à regarder s'il pouvait y avoir un rapport entre l'autisme et un type de cellules nerveuses du cerveau, récemment découvertes, les neurones miroirs. Comme ces neurones paraissaient être impliqués dans des capacités comme l'empathie et la perception des intentions des autres, il semblait logique de supposer qu'un dysfonctionnement du système des neurones miroirs pourrait provoquer certains des symptômes de l'autisme. Durant la dernière décennie, plusieurs études ont apporté des preuves supportant cette théorie. Des recherches ultérieures sur les neurones miroirs pourront expliquer comment l'autisme se déclenche, et ainsi, les docteurs pourront développer de meilleures façons de diagnostiquer et de traiter efficacement la maladie.
Expliquer les symptômes
Bien que les signes principaux de l'autisme sont l'isolation sociale, l'absence de contact visuel, de faibles capacités linguistiques et une absence d'empathie, d'autre symptômes moins connus sont tout aussi évidents. De nombreuses personnes avec autisme ont des problèmes pour comprendre les métaphores, les interprétant parfois littéralement. Ils ont aussi des difficultés à imiter les actions des autres. Ils présentent souvent des préoccupations pour des bagatelles tout en ignorant des aspects importants de leur environnement, notamment l'environnement social. Tout aussi étonnant, le fait qu'ils montrent souvent une aversion extrême pour certains sons qui, pour des raisons inconnues, déclenchent un signal d'alarme dans leur esprit.
Les théories qui ont été proposées pour expliquer l'autisme peuvent être divisées en deux groupes: anatomiques et psychologiques. (Les chercheurs ont rejeté un troisième groupe de théories--comme l"hypothèse de la "mère-réfrigérateur"—qui rejetait la faute de la maladie sur une mauvaise éducation.) Eric Courchesne de l'U.C.S.D. et d'autres anatomistes ont proprement montré que les enfants avec autisme ont des anomalies caractéristiques du cervelet, la structure cérébrale responsable de la coordination des mouvements musculaires volontaires complexes. Bien que ces observations doivent être prises en compte dans toute explication finale de l'autisme, il serait prématuré d'en conclure que les dommages du cervelet soient la seule cause du trouble. Les dommages du cervelet provoqués par une attaque cérébrale chez un enfant, provoquent habituellement des tremblements, un balancement de la démarche et des mouvements anormaux des yeux--des symptômes rarement constatés chez les autistes. Inversement, on ne constate aucun des symptômes de l'autisme chez les patients atteints de maladies du cervelet. Il est possible que les changements du cervelet constatés chez les enfants avec autisme soient des soient des effets secondaires sans rapport avec les gènes anormaux dont les autres effets sont les véritables causes de la maladie.
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VILAYANUR S. RAMACHANDRAN et LINDSAY M. OBERMAN ont fait leurs recherches sur les liens entre l'autisme et le système de neurones miroirs au Center for Brain and Cognition de l'Université de Californie à San Diego. Ramachandran, directeur du centre, a obtenu un doctorat en neurosciences de l'université de Cambridge. Expert renommé des anomalies cérébrales, il a aussi étudié le phénomène des membres fantômes et la synesthésie, qui lui ont valu le prix Henry Dale 2005 et un titre de membre d'honneur de la Royal Institution of Great Britain. Oberman est une étudiante de troisième cycle du laboratoire de Ramachandran à l'U.C.S.D., ayant rejoint le groupe en 2002.
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