26 septembre 2006

Les scientifiques décodent les détails moléculaires d'un défaut

En utilisant un modèle animal, les neuroscientifiques de Göttingen ont examiné les effets des mutations génétiques à l'origine de l'autisme chez l'homme. Ce sont des mutations sur des gènes qui portent les instructions de construction pour des protéines de la famille de neuroligines. L'étude éditée dans la revue scientifique Neuron (le 21 septembre 2006) prouve que les neuroligines assurent la transmission de signaux entre les cellules nerveuses. Dans le cerveau des souris génétiquement modifiées pour être sans neuroligines, les points de contact par lesquels les cellules nerveuses communiquent, les synapses, ne se développent pas. Les chercheurs supposent que des troubles similaires se retrouvent chez les patients autistes.

L'autisme est l'une des maladies psychiatriques les plus communes. Environ 0,5 % des enfants en bas âge présentent un syndrome apparenté du « spectre autistique ». Les principaux symptômes de ce trouble du développement sont le retard ou l'absence de langage, des troubles du comportement social et des stéréotypies. Chez de nombreux patients, il existe une déficience mentale. Les personnes avec autisme qui présentent un haut niveau de fonctionnement cognitif ou des compétences exceptionnelles dans un secteur particulier, appelés « autistes savants », comme le personnage principal du film « Rain man», sont rares.

Jusqu'au milieu du siècle dernier, le comportement particulièrement froid des mères était considéré comme la cause de l'autisme. Cependant, la théorie « des mères frigidaires » a été réfutée. La croyance très répandue dans les années 90 que le vaccin ROR (Rougeole, Oreillons, Rubéole) pourrait être la cause de l"autisme chez les enfants en bas âge ne repose sur aucune base scientifique. Aujourd'hui, il est clair que les facteurs génétiques sont la cause principale de l'autisme. Les études sur les jumeaux monozygotes sont particulièrement convaincantes sur ce point - la probabilité que le vrai jumeau d'une personne autiste soit également atteinte d'autisme varie entre 80 et 95 pour cent.

En 2003, le généticien français Thomas Bourgeron a montré dans une recherche sur les familles avec plusieurs enfants autistes que les mutations dans les deux gènes NLGN3 et NLGN4X ont entraîné un arrêt complet de la fonction des gènes et ont déclenché l'autisme chez les patients affectés. Le travail de Bourgeron a causé une onde de choc parmi les instituts neuroscientifiques du monde entier, ou les gènes NLGN n'étaient pas inconnus. Ils sont responsables de la création de deux protéines, neuroligine-3 et neuroligine-4, qui sont considérées comme jouant un rôle important dans la structure des contacts entre les cellules nerveuses.

Les cellules nerveuses communiquent entre elles en des points de contact spécialisés appelés synapses. Une fois stimulée, une cellule de transmission nerveuse émet des neurotransmetteurs. Ces signaux moléculaires atteignent la cellule réceptrice et modifient son niveau d'activité - pourvu que la cellule réceptrice dispose 'd'antennes' sur ses synapses - de sites de réception spécifiques à ces signaux chimiques. Les scientifiques pensent que ce processus pourrait être perturbé si les cellules nerveuses ne disposent pas de neuroligines.

Au moment de la découverte de Bourgeron, Nils Brose et Frederique Varoqueaux, neuroscientifiques à l'institut de Médecine Expérimentale Max Planck à Göttingen, en collaboration avec leurs collègues Weiqi Zhang et Thomas Südhof travaillaient déjà sur les neuroligines depuis dix ans - mais chez les souris et non chez l'homme. « Nous avions même déjà créé des souris mutantes qui, en termes fonctionnels, portaient les mêmes mutations que celles qui se produisent chez les patients autistes. Nos souris manquaient également soit de neuroligine-3 soit neuroligine-4, » indique Brose. Les chercheurs étaient en possession du premier modèle animal génétique de l'autisme.

Une étude éditée par Brose, Varoqueaux et Zhang dans le journal spécialisé Neuron a prouvé que ce modèle met en évidence un défaut de fonctionnement dans la transmission des signaux entre les cellules nerveuses. Avec son collègue Varoqueaux, Brose a créé une lignée de souris qui non seulement ne dispose pas de neuroligine-1 ou de neuroligine-2, tous deux associées à l'autisme, mais qui manque des quatre variantes connues de la protéine simultanément. Les conséquences sont encore plus dramatiques qu'avec les patients autistes, chez lesquels la mutation porte seulement sur un gène de neuroligine. Sans aucune neuroligine, les fonctions du système nerveux se délitent complètement et les animaux génétiquement modifiés meurent juste après la naissance. Cependant, leurs cellules nerveuses peuvent être examinées en détail. Selon Brose, « elles fournissent des résultats importants non seulement pour la recherche de cerveau en général, mais également sur les causes possibles de l'autisme. Nos investigations prouvent que les neuroligines règlent la maturation des synapses. Elles s'assurent qu'il y a sufisamment de protéines réceptrices sur la membrane synaptique de la cellule de réception. »

Ce qui était à l'origine un pur projet de recherche fondamentale a acquis une pertinence médecale. « Ce que nous voyons chez nos animaux mutants en déficit de neuroligine est une forme plus intense du défaut de fonctionnement qui se produit dans le cerveau des personnes autistes, » dit Brose. « Je pense que l'autisme est une maladie des synapses, un synaptopathie. » Les chercheurs de l'Institut Max Planck de Göttingen veulent maintenant effectuer une analyse de la biologie comportementale des souris mutantes non plus privées de tous les neuroligines, mais seulement privées de neuroligine-3 ou de neuroligine-4, ainsi que le sont les patients avec autisme qui présentent des mutations de neuroligine. Les souris mutantes appropriées sont disponibles dans le laboratoire depuis longtemps, « mais nous avons commençé il y a seulement quelques mois à analyser leur comportement avec des spécialistes , » dit Brose. Les premiers résultats semblent plein de promesses - les souris mutantes en neuroligine-4 ont évidemment des comportements sociaux perturbés et des comportemements anxieux. « Si nous réussissons à observer des changements comportementaux très similaires à l'autisme chez notre souris mutante, alors le passage au diagnostic expérimental et à la thérapie sur le modèle animal deviendra possible. »

D'un point de vue génétique, les scientifiques de Göttingen disposent du meilleur modèle animal connu pour l'autisme dans le monde entier. Cependant, il y a une limite : très peu de cas d'autismes sont provoqués par des mutations de neuroligine et, à de rares exceptions, personne ne sait quels sont les défauts génétiques des nombreuses personnes atteintes d'autres formes d'autisme.

10 septembre 2006

Lancement de trois nouvelles études cliniques sur l'autisme aux U.S.A.

L'Institut National de la Santé Mentale (NIMH), membre des Instituts Nationaux de la Santé (NIH), a lancé trois grandes études cliniques sur l'autisme dans son programme de recherche sur le campus du NIH à Bethesda, dans le Maryland. Ces études sont les premières réalisations sur une nouvelle façon de voir l'autisme, en réponse à l'augmentation avérée du taux de prévalence de l’autisme et des nouvelles pistes de progrès. Les premières études définiront les caractéristiques de différents sous-types des désordres du spectre autistique (DSA) (http://www.nimh.nih.gov/healthinformation/autismmenu.cfm) et exploreront les nouveaux traitements possibles.

Une étude définira les différences, biologiques et comportementales, chez l'enfant autiste avec des histoires développementales variées. De plus en plus, les scientifiques considèrent l'existence vraisemblable 'd'autismes', c'est-à-dire de désordres multiples, dont l'autisme. Ces études ont pour but de mieux définir les sous-types d'autisme. Les enfants avec autisme régressif semblent développer un langage normal et des aptitudes sociales mais ils perdent ces derniers avec le début de l'autisme avant l'âge de 3 ans. L'autisme non régressif, la forme plus fréquente du désordre, commence tôt dans la vie, probablement avant la naissance, avec des maanifestations subtiles de déficits tout au long du développement. Des enfants avec ces deux formes d'autisme seront comparés à ceux qui ont d'autres désordres développementaux, y compris diverses formes de retard développemental, ainsi qu'avec des enfants avec un développement normal. En outre, les chercheurs étudieront un sous-ensemble des enfants dans cette étude pour étudier les facteurs environnementaux qui peuvent déclencher des symptômes d'autisme.

Dans une autre étude, les chercheurs de NIMH examineront l'utilisation d'un antibiotique, la minocycline, pour mesurer son utilité dans le traitement de l'autisme régressif. Les dernières recherches suggèrent que l'autisme puisse être lié à des modifications de la réponse immunitaire qui auraient causé une inflammation cérébrale. La minocycline a des effets anti-inflammatoires connus et a montré son efficacité dans d'autres désordres cérébraux comme la maladie de Huntington.

La troisième étude cherche à vérifier la théorie répandue mais non prouvée que l'autisme peut être traité avec succès par la thérapie par chélation, qui cherche à éliminer les métaux lourds dans le sang. La chélation est généralement employée pour traiter l'intoxication au plomb, mais actuellement, beaucoup de familles tentent le traitement pour essayer d'enlever le mercure et d'autres métaux dans le sang de leur enfant autiste. Cette pratique est basée sur la croyance que de nombreux cas d'autisme ont été provoqués par exposition au thimerosal, un conservateur dérivé du mercure, utilisé auparavant dans les vaccins pour enfant. Selon la Food and Drug Administration, depuis 2001, tous les vaccins recommandés pour des enfants 6 ans et moins ne contiennent plus de thimerosal ou seulement des traces, excepté le vaccin inactivé de la grippe, qui est fabriqué en deux conditionnements avec et sans thimerosal. Le vaccin de la grippe sans thimerosal, autorisé pour les enfants âgés de de 6 à 23 mois, est disponible en quantité limitée. En plus, les nouveaux vaccins pédiatriques autorisés ne contiennent pas thimerosal. Néanmoins, de nombreuses familles continuent de se tourner vers la chélation pour soigner l'autisme. Le NIMH entreprendra une étude avec groupe de contrôle pour examiner l'efficacité et l'inocuité de la chélation pour des enfants avec des désordres du spectre autistique. Cependant, la chélation peut également enlever les aliments minéraux essentiels, tels que le calcium, le fer, et le zinc.
"Comme la thérapie par chélation n'est pas spécifique au seul mercure, il est important pour conduire une recherche systématique, afin de déterminer si la thérapie de chélation est bénéfique ou otentiellement dangereuse pour les enfants avec autisme", indique le Docteur Sasan Swedo, qui dirige le secteur de la recherche pédiatrique comportementale à la Division of Intramural Research Programs du NIMH (http://intramural.nimh.nih.gov/), où les études sur l'autisme sont en cours.

L'autisme est un trouble mental qui surgit dans la petite enfance et est caractérisé par des retards du développement des aptitudes sociales et des capacités de communication, ainsi que par des intérêts restreints et des comportements stéréotypés. L'autisme revêt de nombreuses formes et peut être associé à différentes pathologies. Il fait partie d'un groupe plus important de désordres, souvent désigné sous le nom de Désordres du Spectre Autistique (DSA), incluant également le syndrome d'Asperger et le Trouble Envahissant du Développement. Développer de meilleurs outils de diagnostic, une meilleur vision de l'autisme et trouver des traitements efficaces passe par l'obtention de plus d'informations sur ces différents désordres et sous-types, dont on estime qu'ils affectent actuellement entre 2 et 6 enfants sur 1000.

L'Intramural Research Program du NIMH est impliqué dans la réalisation de recherches cliniques fiables et impartiales pour améliorer la santé humaine. Chacune des études proposées a subi un processus critique rigoureux pour s'assurer de la qualité et de la sûrete des recherches. Pour en savoir plus sur ce processus ou trouver des informations générales sur des essais cliniques, visitez http://clinicaltrials.gov/.

Environ 500 scientifiques travaillent à la Divison of Intramural Research Programs (http://intramural.nimh.nih.gov/) situé sur le campus principal du NIH à Bethesda, dans le Maryland. Les scientifiques de l'Intramural vont de biologistes moléculaires travaillant en laboratoire à des chercheurs cliniciens travaillant avec des patients du NIH Clinical Center. A travers sa Division of Extramural Activities (http://www.nimh.nih.gov/dea/index.cfm), le NIMH finance plus de 3500 bourses de recherche et contracts avec des chercheurs d'université et d'autres institutions à travers le pays et à l'étranger. Eb moyenne, plus de 80 pour cent du budget de recherche du NIMH est alloué aux recherches extérieures. Pour en savoir plus sur les différentes divisions de recherches du NIMH, visitez http://www.nimh.nih.gov/about/compon.cfm.

Les Instituts Nationaux de la Santé (NIH) — l'Agence Nationale de Recherche Médicale — inclut 27 Instituts et Centres et font partie du Ministère de la Santé et des Affaires Humaines US. C'est la principale agence fédérale pour diriger et financer des recherches médicale de base, essais cliniques et leur traduction, et recherche les causes, pour traiter et guérir les maladies communes ou rares. Pour plus dinformation sur le NIH et ses programmes, visitez http://www.nih.gov/.

08 septembre 2006

Un "X" marque la cachette des gènes de l'autisme

Un nouveau facteur de risque d'autisme, non reconnu précédemment, a peut-être été trouvé, sous forme de mutations qui affectent le développement neuronal dans une région du cerveau importante pour l'apprentissage et les interactions sociales.

L'autisme est a peu près quatre fois plus fréquent chez les garçons que chez les filles; ce qui suggère que les mutations sur le chromosome de X jouent un rôle, car les garçons n'ont pas de deuxième chromosome X qui pourrait compenser des anomalies génétiques. Les études ont bien identifié plusieurs centaines de gènes candidats, mais jusqu'à ce jour, aucun lien concluant à une mutation spécifique n'avait été trouvé.

Aujourd'hui, une recherche internationale d'une quinzaine d'années a identifié deux mutations différentes du même gène sur le chromosome X, qui semblent être liées à l'autisme dans deux familles indépendantes (/psychiatrie moléculaire/, DOI : 10.1038/sj.mp.4001883). Le gène code une protéine appelée L10, un composant essentiel des ribosomes; les structures qui construisent des protéines. L10 est généralement fabriqué au niveau de l'hippocampe, une région du cerveau importante pour l'apprentissage, la mémorisation ainsi que pour les fonctions sociales
et l'émotion.

Le principal auteur, Sabine Klauck de la Division of Molecular Genome Analysis au centre allemand de recherche sur le cancer d'Heidelberg dit que les mutations sont rares, et non présentes chez leurs autres patients. Mais ils indiquent une voie importante par laquelle les différents défauts génétiques pourraient mener à différents types d'autisme.

Essi Viding du Collège Universitaire de Londres indique que les résultats sont en conformité avec les changements structuraux de cerveau vus dans l'autisme, mais elle avertit que beaucoup d'autres gènes peuvent être impliqués.

Extrait du numéro 2568 du New Scientist magazine, 8 septembre 2006, page 20

05 septembre 2006

Les pères âgés auraient un risque accru d'avoir des enfants autistes

Les enfants de pères âgés de 40 ans et plus auraient un risque augmenté d'être atteint d'autisme ou de syndromes apparentés comparés à ceux nés de pères de moins de 30 ans, d'après une étude publiée dans la revue spécialisée américaine Archives of General Psychiatry de septembre.

L'étude apporte "le premier élément de preuve convaincant qu'un âge paternel avancé représente un facteur de risque d'avoir un enfant souffrant de troubles autistiques", estiment les auteurs, Abraham Reichenberg de Mount Sinai School of Medicine (New York) et ses collègues de Londres (Institute of Psychiatry, King's College). Les auteurs admettent cependant que des "travaux complémentaires sont nécessaires pour confirmer cette interprétation". L'étude a porté sur 132.271 enfants juifs nés en Israel dans les années 1980.

Pour l'enfant, le risque d'être atteint de ces troubles du développement, marqués par des difficultés de communication, serait près de six fois plus élevé lorsque le père avait 40 ans ou était plus âgé au moment de la conception, par comparaison à ceux dont le père avait 29 ans ou moins. L'étude n'a pas retrouvé d'association avec l'âge maternel.

L'autisme et les formes apparentées sont devenus de plus en plus courants aux Etats-Unis, touchant 50 enfants sur 10.000 contre 5 sur 10.000 il y a vingt ans, selon les auteurs. Une augmentation partiellement due à une plus grande sensibilisation et à des changements des modalités diagnostiques, mais qui pourrait aussi refléter une augmentation de l'incidence de l'autisme. Des mécanismes génétiques pourraient expliquer cette association entre autisme et âge paternel, dont des mutations spontanées lors de la formation du sperme.

American Journal of Psychiatry 163:1622-1629, September 2006
doi: 10.1176/appi.ajp.163.9.1622
© 2006 American Psychiatric Association