10 août 2004

Le point sur les études génétiques

M. Leboyer et T. Bourgeron , "Autisme : le point sur les études génétiques", in La Science au présent 2004, Encyclopaedia Universalis.

Le point sur les études génétiques
Marion Leboyer Thomas Bourgeron

Merci à Yves Gautier, rédacteur de l'ouvrage "La science au présent 2004" aux Editions Encyclopaedia Universalis, qui nous autorise à reproduire intégralement l'article de M. Leboyer et T. Bourgeron.

Différentes constatations vont dans le sens d'une prédisposition génétique à l'autisme. Le risque de récurrence dans les familles d'autistes est quarante-cinq fois plus élevé que dans la population générale. De plus, les études épidémiologiques menées chez des jumeaux monozygotes montrent que lorsqu'un des enfants est atteint d'autisme le deuxième a une probabilité de 60 p._100 d'être également autiste, alors que cette ressemblance est beaucoup plus faible chez les jumeaux dizygotes.
L'autisme est très certainement un syndrome polygénique (plusieurs gènes sont impliqués) et les gènes responsables varient d'une famille à l'autre. À ce jour, plusieurs consortiums internationaux ont réalisé des études de criblage du génome dans des familles d'autistes avec au moins deux enfants atteints. Parmi les résultats obtenus par ces études, des sites susceptibles de contenir des facteurs de vulnérabilité de l'autisme ont été trouvées sur les chromosomes 2q, 5p, 7q, 10p, 16p, 19p, 19q et Xq. En 1999, dans le cadre de l'étude internationale que nous coordonnons, l'une des premières études globales du génome pour l'autisme (A._Philippe et coll., 1999) a été publiée.
Nous avons ensuite cherché à identifier des gènes dits "candidats", c'est-à-dire potentiellement impliqués dans l'étiologie de la maladie, dans les régions identifiées par criblage du génome, ce qui a permis d'obtenir plusieurs résultats positifs. Dans la région du chromosome_6 en 6q16, région la plus significative de cette étude systématique du génome, se trouve le gène GRIK2 codant pour un récepteur au glutamate, très bon candidat pour la susceptibilité au syndrome (S._Jamain et al., 2002). Dans la région Xp22.3 a été identifié le gène de la neuroligine_4 (NLGN4), codant un des membres de la famille des neuroligines. Ces molécules d'adhésion cellulaire sont des facteurs cruciaux pour la formation des synapses fonctionnelles.
Une mutation génétique a été mise en évidence sur le gène NLGN4 dans une famille où deux garçons sont touchés, l'un d'autisme et l'autre d'un syndrome autistique appelé syndrome d'Asperger (AS).
Dans une autre famille, chez deux frères affectés l'un d'autisme et l'autre d'AS, une mutation touchant le gène NLGN3, également héritée de la mère, a été identifiée (S._Jamain et al., 2003).
L'altération de NLGN3 ou de NLGN4 pourrait affecter des protéines d'adhésion cellulaire localisées au niveau des synapses, ce qui suggère qu'un défaut dans la formation des synapses prédisposerait à l'autisme.

28 mai 2003

La peur du vaccin: c'est la faute aux médias

(Agence Science-Presse) - Le public a été "trompé" par les médias: ceux-ci ont réussi à lui faire croire que le vaccin rubéole-rougeole-oreillons n'est pas sécuritaire.

C'est l'opinion indignée qui se dégage d'une analyse britannique de la couverture journalistique à laquelle a eu droit cette controverse en Grande-Bretagne. Selon cette analyse, dont le New Scientist a obtenu copie, au sommet de la controverse, en 2002, au moins la moitié du public britannique croyait que les médecins étaient divisés quant au caractère sécuritaire –ou non– du vaccin. Alors qu'en réalité, l'opinion des médecins n'a jamais varié d'un iota: la très grande majorité accorde sa confiance à ce vaccin qui, depuis des décennies, a fait ses preuves.

Les premiers soubresauts de la controverse remontent à 1998, lorsqu'un gastroentérologue de l'Hôpital Royal Free de Londres, Andrew Wakefield, publie un article dans la revue médicale The Lancet: il y émet l'hypothèse d'une association entre le vaccin ROR et l'autisme chez les enfants. Les données sur lesquelles il s'appuie ne concernaient que 12 enfants, et ne permettaient de conclure à aucun lien: ce n'était qu'une hypothèse. Mais le fait que les médias aient par la suite choisi d'accorder un temps égal aux "deux côtés de la médaille" a conduit le public à croire que les deux hypothèses –un lien vaccin-autisme et une absence de lien– étaient d'égale valeur. "Notre étude confirme que les médias d'information ont joué un rôle capital", assure au New Scientist Justin Lewis, de l'École de journalisme de l'Université Cardiff.

Une hypothèse comme celle soulevée par Wakefield est indubitablement d'intérêt public. Mais la question n'est pas là. Une recherche qui remet en question le caractère sécuritaire d'un vaccin universellement accepté devrait être approchée avec la plus grande prudence, autant par les scientifiques que par les journalistes. Ce qui n'a pas été le cas, lit-on dans l'étude: sur 561 reportages publiés entre janvier et septembre 2002 –et dont la moitié sont concentrés pendant la "frénésie médiatique" allant du 28 janvier au 28 février 2002– plus des deux tiers mentionnaient le lien vaccin-autisme.

Seulement la moitié des reportages télévisés et un tiers de ceux de la presse écrite s'appuyaient sur le quasi-consensus de la communauté scientifique quant au caractère sécuritaire du vaccin ROR afin de contrebalancer l'hypothèse Wakefield.