INFORMATION COMPLEMENTAIRE : Un nouvel essai clinique aura lieu mais pas avant l'été 2013 (temps nécessaire pour mettre au point le sirop à base de diurétique).
Les parents intéressés par cet essai doivent se rendre sur le site de neurochlore et peuvent adresser leur demande à l'adresse suivante : essai.autisme@neurochlore.fr
Yehezkel Ben-Ari, fondateur et directeur honoraire Inserm de l’Institut de neurobiologie de la méditerranée et Eric Lemonnier, clinicien spécialiste de l’autisme au CHRU de Brest, viennent de publier les résultats d’un essai clinique en double aveugle pour évaluer l’intérêt d’un diurétique dans le traitement de l’autisme.
Soixante enfants autistes et Asperger de 3 à 11 ans ont reçu pendant 3 mois soit un diurétique pour réduire les niveaux de chlore intracellulaire, soit un placebo. Bien que non curatif, ce traitement entraîne pour les trois quarts des enfants, une diminution de la sévérité des troubles autistiques.
Une demande d’autorisation pour un essai multicentrique à l’échelle européenne vient d’être déposée par les chercheurs pour mieux déterminer la population concernée par ce traitement.
L’apport de la recherche fondamentale sur le chlore neuronal
De précédents travaux menés par l’équipe de chercheurs dirigée par Yehezkel Ben-Ari à l’unité Inserm 901 “Institut de neurobiologie de la méditerranée”, à Marseille sur les concentrations intracellulaires de chlore, ont permis de montrer qu’elles sont anormalement élevées dans les neurones immatures, ceux ayant subi des crises d’épilepsie ou d’autres lésions cérébrales. De nombreux anxiolytiques, analgésiques et antiépileptiques, agissent en augmentant les effets du GABA – le principal médiateur chimique du cerveau – qui inhibe, en temps normal, les neurones. En présence d’une forte concentration de chlore dans les cellules, les effets du GABA sont inversés. Les molécules anxiolytiques accentuent ces effets : le GABA n’inhibe plus les neurones. Ces molécules vont augmenter l’excitation et donc aggraver la maladie au lieu de la réduire[1]. C’est ce qui a été observé dans le cas de l’épilepsie : le diazépam, un anxiolytique, aggravait les crises dans certaines conditions. L’équipe de recherche avait alors montré l’intérêt d’un diurétique pour pallier cet effet.
De la recherche fondamentale à la recherche clinique
Des données expérimentales indirectes suggèrent des modifications de l’inhibition cérébrale médiée par le GABA dans l’autisme. Eric Lemonnier, clinicien au CHRU de Brest a fait remarquer à Yehezkel Ben-Ari que le valium n’est pas prescrit aux enfants souffrant de l’autisme car ils deviennent, selon les parents, plus agités, suggérant comme dans l’épilepsie et d’autres pathologies cérébrales, que le chlore intracellulaire serait plus élevé. De cette rencontre est née l’idée de tester un diurétique – de la même manière que pour l’épilepsie – afin de déterminer si cela pouvait améliorer les troubles autistiques. Un essai pilote sur 5 enfants a été rapidement mis en place en 2010 car le bumétanide, le diurétique testé, est couramment utilisé, notamment dans le traitement de l’hypertension. La prise de ces molécules peut toutefois entrainer une baisse de potassium qui nécessite une supplémentation. Les chercheurs ont alors démarré un essai randomisé en double aveugle sur 60 enfants autistes et Asperger âgés de 3 à 11 ans.
Diminution de la sévérité des troubles autistiques
Les enfants ont été suivis pendant 4 mois. Un groupe a reçu le traitement diurétique (1mg de bumétanide) et le deuxième groupe un placebo pendant 3 mois. Le dernier mois, aucun traitement n’a été donné. La sévérité des troubles autistiques des enfants a été évaluée au démarrage de l’essai, à la fin du traitement, c’est-à-dire au bout de 90 jours et un mois après la fin de ce dernier.
Après 90 jours de traitement, le score moyen au test CARS (Childhood Autism Rating Scale) des enfants traités au bumétanide s’est amélioré de façon significative. La sévérité des troubles autistiques du groupe traité passe du niveau élevé (>36,5) à moyen (Clinical Global Impressions).
A l’arrêt du traitement, certains troubles réapparaissent. Le traitement au bumétanide serait donc réversible.
Différents critères pour évaluer la sévérité des troubles : CARS, CGI, ADOS G
L’échelle comportementale CARS (Childhood Autism Rating Scale) couramment utilisée a permis d’évaluer la sévérité des troubles à partir de séquences filmées des enfants lors d’une activité initiée par un personnel soignant. Les films ont été analysés avec l’aide des parents. Un score est obtenu à partir de l’analyse : entre 30 et 36, l’enfant souffre d’un trouble modéré ou moyen, au-delà de 36, l’autisme de l’enfant est sévère.
Deux autres indicateurs permettent d’évaluer la sévérité des troubles : le diagnostic clinique CGI (Clinical Global Impressions) et un indicateur, ADOS G (Autism Diagnostic Observation Schedule Generic), qui regroupe les critères d’évaluation comme l’interaction sociale et la communication.
Le Dr Lemonnier explique le cas d’un garçon de 6 ans :
“Avant le traitement, l’enfant avait de faibles capacités de langage, une faible interaction sociale, une hyperactivité et un comportement en constante opposition. Après trois mois de traitement, ses parents, ses professeurs, le personnel de soin de l’hôpital et ses amis à l’école ont attesté qu’il participait mieux, notamment aux jeux proposés par le psychologue. Son attention et le contact visuel se sont également améliorés.”
“Même s’il ne peut pas guérir la maladie, le diurétique diminue la sévérité des troubles autistiques de la plupart des enfants. D’après les parents de ces enfants, ils sont plus “présents”" ajoute Yehezkel Ben-Ari.
Etant donnée l’hétérogénéité de la population, les chercheurs ont supposé que le traitement pourrait agir différemment selon la sévérité des troubles autistiques. En reconstituant des groupes en fonction de la sévérité, les résultats suggèrent que le traitement serait plus efficace chez les enfants les moins affectés.
C’est pourquoi les chercheurs ont déposé une demande d’autorisation pour réaliser un essai multicentrique à l’échelle européenne afin de mieux déterminer la population concernée par ce traitement et à terme obtenir une AMM pour cette indication. Cet essai est piloté par une entreprise créée par le Prof. Ben-Ari et le Dr Lemonnier (Neurochlore). Des analyses sont également indispensables pour évaluer l’impact de la prise à long terme de ces molécules et la dose requise. Enfin, les chercheurs soulignent la nécessité de poursuivre les travaux sur les modèles expérimentaux afin de déterminer comment le chlore est régulé et comment il se dérégule dans les réseaux neuronaux de patients autistes.
Ces travaux ont fait l’objet d’un dépôt de brevet et d’une concession de licence accordée à la start-up Neurochlore. Neurochlore a reçu un financement de l’ANR (RPIB, projet « Cure Autism »).