Traduction : J.V.
Rebecca Jones
17 Avril 2012
17 Avril 2012
Parcours atypique: Les enfants qui ont l'autisme semblent souvent avoir une perte soudaine de compétences autour de 2 ans.
Un certain nombre d'études suggèrent qu'un sous-ensemble des enfants avec autisme font d'importants gains sociaux et de langage dans la première année de vie, puis subissent une perte dramatique de compétences. Comme les nourrissons, ces enfants babillent et établissent un contact visuel. Toutefois, ces capacités disparaissent soudainement. Cette perte de compétences est connue sous le nom de régression.
Certaines recherches suggèrent que ces enfants peuvent être un sous-groupe unique dans le spectre de l'autisme, distinct de ceux qui montrent des baisses plus graduelles. La question de savoir s'il y a un changement brusque chez seulement quelques enfants atteints d'autisme est devenu un sujet important pour les parents, les cliniciens et les chercheurs.
Le 13 Février, SFARI a organisé un atelier pour explorer si la régression est unique pour certains enfants touchés par l'autisme. Des chercheurs en science fondamentale et cliniciens à travers le monde se sont réunis pour partager et discuter de la recherche actuelle et des idées. Les participants ont conclu que la régression n'est pas une classification distincte au sein du spectre autistique parce que la majorité des enfants atteints du désordre montrent une baisse dans les compétences démarrant dès l’âge de 12 mois, certains ayant une régression plus sévère que d'autres.
Toutes les compétences quotidiennes, telles que la capacité de saisir des objets ou de suivre le regard d'un soignant, ont une trajectoire de développement, et les symptômes de l'autisme peuvent ne pas être apparents jusqu'à ce que la trajectoire soit considérablement hors-cours. Par exemple, une compétence telle que parler n’émerge pas habituellement jusqu'à la deuxième année de vie, mais elle s'appuie sur l'ensemble des informations acquises au cours de la première année. Si le développement du langage est altéré au cours de la première année, les difficultés d'un enfant peuvent ne pas être apparentes jusqu'à l'âge à laquelle il ou elle devrait parler. Ce qui se présente comme un déclin dramatique dans le comportement peut effectivement être un reflet de l'accumulation anormale du fonctionnement neurobiologique, plutôt que d'un changement soudain.
Cathy Lord , directrice du Centre pour l’Autisme et le développement du cerveau au New York-Presbyterian Hospital de New York, a présenté des données à partir d'une étude qui a fourni des évaluations gratuites de l'autisme et des suivis pour des enfants de 18 à 30 mois d'âge dont les parents ou les cliniciens considéraient qu'ils pourraient avoir ce trouble.
Dans l'ensemble, ces enfants montrent des changements progressifs plutôt que brusques dans les symptômes de l'autisme.
Environ 21 % montrent une aggravation des symptômes avec le temps, mais presque le même pourcentage démontrent des améliorations. Ceci suggère qu'il existe des trajectoires différentes et progressives pour les symptômes de l'autisme.
La quantité de temps que les enfants qui vont développer l'autisme passent à regarder des visages baisse également avec le temps, en se fondant sur des évaluations à 6, 12, 18 et 24 mois d'âge, selon les données présentées par Sally Ozonoff , vice-présidente pour la recherche à la Université de Californie, Davis MIND Institute. Ces enfants ont également de meilleures compétences sociales par rapport aux enfants typiques à 6 mois d'âge. Ces aptitudes sociales sont à des niveaux typiques à 12 mois d'âge et montrent un déclin constant au bout de 18 mois.
Les résultats suggèrent que ce comportement social précocement accentué peut donner l’impression que les enfants ont considérablement régressé, quand plutôt leur déclin est arrivé progressivement à partir d'un point de départ plus élevé.
Ami Klin , directeur du Marcus Autism Center à l'Emory University School of Medicine à Atlanta, a également montré des données basées sur les préférences du regard des enfants qui suggèrent que les nourrissons atteints d'autisme divergent progressivement des enfants typiques au cours du développement.
Les participants ont également convenu d'examiner la régression dans l'autisme comme distincte du trouble désintégratif de l'enfance , qui est un trouble du spectre autistique caractérisé par une perte très sévère et rapide de compétences après 2 ans.
Garder la trace
Pour déterminer si la régression s'est produite chez les jeunes enfants, les chercheurs s'appuient soit sur des études rétrospectives, qui reviennent sur les comptes-rendus parentaux des comportements de leurs enfants, soit sur des études prospectives dans lesquelles les enfants viennent dans un laboratoire à des âges différents et où leurs compétences sont évaluées à différents moments . Les films familiaux sont une autre source d'information qui est utilisée pour accroître les comptes-rendus des parents ou quand un enfant ne peut pas venir dans le laboratoire pour être observé.
Selon Ozonoff, 19 des 22 jeunes enfants qui allaient développer l'autisme ont montré une baisse du regard dirigé vers les visages entre 6 et 36 mois. Cependant, seulement trois parents ont signalé une régression dans le comportement de leur enfant, ce qui suggère que les parents ne sont pas nécessairement sensibles à la régression de leurs enfants.
Audrey Thurm , scientifique à l'Institut national de la santé mentale, a fait remarquer que nous avons encore besoin des rapports des parents pour développer une image clinique complète de leur enfant, mais que le domaine va avoir besoin de développer de meilleures méthodes pour obtenir des renseignements exacts des parents. Les recherches futures devraient mettre l'accent sur les stratégies de dépistage qui pourraient améliorer les souvenirs des parents sur les comportements de leur enfant dans des contextes différents.
Une autre question importante liée à la régression est de savoir si il y a des biomarqueurs neuronaux qui précèdent les symptômes comportementaux de l'autisme, et si ces biomarqueurs peuvent fournir des indications pour savoir si il y a un sous-type de régression dans l'autisme.
Joseph Piven , directeur de l'Institut de Caroline pour la déficience intellectuelle à l'Université de Caroline du Nord à Chapel Hill, a présenté des données d'imagerie sur la substance blanche, les faisceaux nerveux qui relient les régions du cerveau, chez les enfants frères et sœurs d’autistes, qui ont un risque plus élevé que la normale de développer le trouble. Les balayages du cerveau captent les changements dans les mesures de l'écoulement de l'eau à travers le cerveau, un indicateur de la maturité des connexions de la substance blanche.
Son équipe a constaté que la manière dont la substance blanche se développe à partir de 6 à 12 mois chez les enfants qui ont par la suite un diagnostic d'autisme diffère de ceux qui ne développent pas le trouble. Ils ont également montré un cas atypique de connectivité 18 mois avant l'apparition des symptômes comportementaux de base de l'autisme, qui appuie la théorie selon laquelle l'autisme est le résultat d'un changement graduel plutôt que de brusques modifications neurobiologiques.
Les participants à l'atelier ont conclu que les changements cérébraux sont susceptibles de se produire avant que les symptômes comportementaux de la maladie apparaissent, et que ces modifications doivent être considérées sur un continuum. Certains enfants autistes peuvent avoir un déficit plus sévère sur ce continuum, ce qui peut se traduire par ce que beaucoup appellent une régression.
Les biomarqueurs pourraient aider à prédire l'apparition de l'autisme avant que les symptômes comportementaux apparaissent et clarifier le rôle de la régression dans le trouble.
Exemples utiles
Pat Levitt , directeur de l'Institut Zilkha Neurogénétique à l'Université de Californie du Sud, a parlé de la façon dont les chercheurs peuvent utiliser des modèles de souris [murins] pour comprendre les modifications cérébrales précoces de l'autisme. Des modèles murins de régression seraient nécessaires pour montrer le début du développement typique du comportement, suivi par un déclin rapide.
Il existe des modèles de souris présentant des mutations génétiques dans lesquels des changements développementaux tels que la puberté conduisent à l'émergence d'un trouble ou d’une maladie. Mais la puberté vient beaucoup plus tard que l'âge à partir duquel une régression est décrite dans l'autisme, aussi d'autres conducteurs sont nécessaires.
Le timing est un défi pour une autre raison aussi: de 6 à 36 mois chez l'homme est l’équivalent de la phase de pré-sevrage chez les petits de souris. Les essais dans lesquels un petit est séparé de sa mère introduisent un facteur de confusion parce que la séparation est connue pour causer du stress et conduire à des effets durables sur le comportement.
Ces défis devront être surmontés avant que le type de régression vu dans l'autisme puisse être reproduit dans des modèles murins.
Jeffrey Neul , professeur agrégé de génétique moléculaire et humaine du Baylor College of Medicine à Houston, a parlé du syndrome de Rett, un trouble du développement qui se chevauche avec l'autisme. Le syndrome de Rett est rare, presque toujours causé par une mutation génétique unique, et est présent principalement chez les filles. Il est caractérisé par un développement typique, une stagnation puis une régression sévère dans toutes les compétences, y compris les compétences linguistiques, motrices et sociales.
Bien que les symptômes de régression dans le syndrome de Rett sont différents de ceux décrits dans l'autisme, il y a une perte de compétences dans les deux cas. Toutefois, dans le syndrome de Rett, ces compétences perdues, y compris le langage, peuvent souvent être rattrapées.
Comprendre la régression dans les modèles de souris du syndrome de Rett pourrait aider les chercheurs à mieux comprendre les changements de circuits neuronaux et les voies du cerveau qui sous-tendent la régression dans l'autisme.
Sarah Spence, directeure des services de l'autisme au Centre hospitalier pour enfants de Boston, a discuté d'autres problèmes médicaux qui peuvent causer la régression, y compris l'épilepsie qui se recoupe avec l'autisme, comme les spasmes infantiles, la sclérose tubéreuse et le syndrome de Landau-Kleffner. Les enfants présentant ces syndromes ont des taux élevés d'autisme, mais ils peuvent être traités et les compétences perdues peuvent être récupérées.
Les troubles métaboliques peuvent également être associés à l'autisme et présentent comme une régression des capacités. La carence cérébrale en acide folique et des maladies mitochondriales ont toutes deux des symptômes similaires à l'autisme, mais ne sont pas traitables.
Les similitudes entre ces troubles et l'autisme pourraient ouvrir la voie à des biomarqueurs et proposer des mécanismes communs qui conduisent à la régression, dit Spence.
En conclusion, des études ont montré que la plupart des enfants atteints d'autisme présentent un déclin progressif de compétences plutôt qu'une brusque perte de capacités.
De plus amples recherches biologiques sont nécessaires sur les 6 premiers mois de la vie et même avant la naissance pour découvrir des biomarqueurs qui peuvent identifier les enfants à risque d'autisme avant que leurs symptômes comportementaux apparaissent. L'identification précoce pourrait également fournir des opportunités cruciales pour une intervention précoce.
La recherche suggère également que les vidéos familiales peuvent fournir des indications importantes sur le développement d'un enfant avant qu’il ait reçu un diagnostic d'autisme. L'utilisation de ces vidéos ou le suivi des enfants à risque dans le laboratoire est plus fiable que les entretiens avec les parents, montre la recherche, parce que les parents ne peuvent pas toujours se rappeler exactement les changements dans les capacités de leurs enfants au fil du temps.
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